Les entreprises de moins de 300 salariés doivent adopter, fin janvier, le bulletin de paie clarifié. La plupart des responsables paie n’ont pas rencontré de difficultés majeures pour produire cette version allégée. Mais ils dénoncent une simplification de façade ; les règles de paie étant toujours aussi complexes.
Dès ce jour, 31 janvier 2018, l’ensemble des salariés recevront un bulletin de paie clarifié. Ce process, déjà à l’oeuvre pour les salariés des entreprises de plus de 300 salariés, s’étend, en janvier 2018, à toutes les sociétés, quelle que soit leur taille. Autrement dit, à 17 millions de salariés. Avec l’ambition de » le rendre plus compréhensible à chaque salarié », selon le gouvernement. C’est un véritable toilettage qui s’opère puisque le nombre de lignes est réduit de moitié.
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Les principaux changements
Concrètement, les cotisations sociales sont regroupées par famille de risque couvert et leur libellé est clarifié : la santé pour l’assurance maladie, la retraite pour l’assurance vieillesse, l’assurance chômage, en dissociant le régime de base, complémentaire obligatoire, facultative. Par ailleurs, les contributions uniquement dues par l’employeur (versement transport, Fnal, la contribution solidarité autonomie, le forfait social; la taxe d’apprentissage et la contribution au financement des organisations syndicales) sont
regroupées sur une seule ligne.
De nouvelles mentions apparaissent également. Le montant total des exonérations de cotisations dont bénéficie l’entreprise devra désormais figurer sur la fiche de paie. Le super brut (rémunération brute du salarié + cotisations et contributions à la charge de l’employeur- les exonérations de cotisations) apparaît. Des logos d’entreprise ont également été intégrés. D’autres entreprises ont fait quelques innovations, en choisissant, par exemple, de mettre le net à payer en haut du bulletin de paie dans une cartouche bien visible pour que le salarié puisse voir d’emblée son salaire.
En revanche, dans la partie concernant l’identification de l’employeur, la référence de l’organisme auquel l’employeur verse les cotisations de sécurité sociale est supprimée. Surtout, les responsables paie ont dû prendre la mesure des nouvelles règles en vigueur depuis le 1er janvier 2018 : hausse de la CSG, suppression de la cotisation salariale maladie, baisse de la cotisation salariale chômage, suppression de la cotisation pénibilité, hausse de la cotisation GMP (garantie minimale de points).
Un chantier lancé en 2016
« C’est un non événement », assure Abdelkader Berramdane, directeur de la veille législative d’ADP France. Les entreprises de moins de 300 salariés ont pu s’appuyer sur l’expertise des sociétés de plus de 300 sociétés. Cette démarche s’est faite, il est vrai, en plusieurs étapes. Le chantier avait été lancé par Jean-Christophe Sciberras, DRH France de Solvay, qui avait été missionné en 2016 par le gouvernement. Dix entreprises de 650 à 47 000 salariés (Solvay, Sopra HR Software, Afpa, Société Générale, Saint-Gobain, Safran, Daher, Arkema, BNP Paribas, Inovyn), soit près de 10 000 salariés concernés, ont testé la nouvelle maquette. Puis la démarche a été généralisée aux
entreprises de plus de 300 salariés en janvier 2017.
Ainsi Josuee Jouthan, responsable paie du groupe Robert Walters (moins de 200 personnes), s’est appuyée sur l’expérience de sa filiale Walters People (interim) pour finaliser les bulletins de paie new look. « Nous n’avons pas eu de difficultés. Les dysfonctionnements ont eu lieu un an avant, en 2017, car les éditeurs de logiciels de paie n’étaient pas prêts ». Elle apprécie aujourd’hui la démarche « qui réduit l’opacité et informe le salarié sur le coût total de sa rémunération ». C’est-à-dire sur « ce que l’employeur paie réellement pour un salarié ».
La plupart ont d’ailleurs anticipé les changements en procédant au double envoi de bulletins de paie, en novembre, voire à l’ajout d’une note explicative…
Version dite de « contrôle »
Reste que pour la plupart des spécialistes, cette simplification n’est que de façade. « Nous sommes obligés de conserver une version dite de « contrôle » comportant les différents taux et assiettes pour s’assurer de leur conformité et réagir en cas de réclamation », observe Nicolas Amblard, responsable du pôle social de Sadec-Akelys, cabinet d’expert-comptable. « Avec le regroupement des cotisations, on ne peut se
servir de cette version clarifiée pour effectuer nos contrôles de paie », renchérit Céline Dumont-Bauer (responsable du pôle social), présidente du groupe de travail Ressources humaines du réseau Absoluce, un réseau de cabinets indépendants d’expertise
comptable, d’audit et de conseil. Aussi est-il nécessaire de maintenir en parallèle deux bases de données, l’une sur le bulletin de paie détaillé, l’autre sur le bulletin clarifié, pour traquer les marges d’erreurs potentielles. Soit un véritable travail de contrôle et de
vérification indispensable.
Avec le risque d’entamer la confiance du salarié vis-à-vis de sa fiche de paie. De fait, le regroupement pourrait induire une marge d’erreur. Mon employeur paie-t-il l’ensemble des cotisations ? Et si oui, au taux en vigueur ? « Ces changements peuvent entraîner de nombreuses interrogations de la part des salariés, relève Céline Dumont-Bauer. Combien coûte ma mutuelle ? Suis-je bien affilié à une caisse de congés payés (pour le bâtiment notamment) ? »
Manque de traçabilité
Dans son rapport, Jean-Christophe Sciberras mentionnait certaines déceptions. Les salariés regrettaient, en effet, la suppression du nom des organismes auxquelles les cotisations étaient versées, caisse de retraite et mutuelle d’entreprise. Ces indications étant considérées comme des « éléments rassurants de traçabilité de sa carrière ». Par ailleurs, ils estimaient que la rubrique « autres cotisations dues par l’employeur » est un agrégat par définition non parlant, en dépit d’une « certaine indifférence quant à son contenu détaillé ». Autre déception : la rubrique « allégement des cotisations entraînait une incompréhension dès lors que l’origine n’est pas précisée (Etat) ».
Des règles de paie toujours aussi complexes
La plupart pointent également l’absence de simplification dans les règles de paie. « Les bulletins restent en réalité toujours aussi complexes à établir pour les employeurs, observe Nicolas Amblard, Le bulletin de paie est clarifié pour le salarié mais les différents calculs deviennent, au fur et à mesure des différentes réformes, de plus en plus ardus ; les organismes de perception, les taux, les assiettes, voire les taux d’appel des cotisations restant aussi nombreuses et différents les uns des autres ». « Le mille-feuille juridique qui compose le salaire brut n’est à ce jour, pas allégé : règles d’attribution des primes, gestion du temps de travail, décompte des absences », poursuit
Céline Dumont-Bauer.
Mais déjà, une autre réforme se profile, autrement plus ambitieuse : le prélèvement à la source. Les responsables paie ont une année pour modifier à nouveau le bulletin de paie. Un autre casse-tête en perspective !
Anne Bariet
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